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Actus Street Art

Mosaïques par Fabio Rieti

Partageons les bonnes idées

Dans le cadre de l’exposition hommage à Fabio Rieti, avec le concours de l’artiste urbain qui viendra du Chili, Pixel art, france-chili.com et artsduchili.com sont heureux de vous proposer cet article écrit à notre demande par Fabio Rieti à propos de Mosaïques.

La mosaïque dans l’Histoire.

Pourquoi la mosaïque ? La réponse pourrait être la suivante : parce que la mosaïque est la seule technique qui permet de former des images au moyen d’éléments déjà existants, cailloux, coquillages, brisures de terre-cuite, de verre, de bois. En les assemblant judicieusement on parvient à constituer une image, voire un message écrit, sans avoir recours à une quelconque adresse manuelle. De plus la facilité de rajouts, suppressions et déplacements permettent une mise au point aisée, ce qui n’est pas le cas avec la peinture et encore moins là où on procède par entailles, gravures ou reliefs. Un art pour non-initiés en somme ; au point de se demander si certains singes anthropomorphes, chimpanzés ou bonobos ne seraient pas capables d’en maîtriser les rudiments.

Il y a aussi autre chose : les éléments une fois disposés, collés ou cimentés sur un support sont indestructibles. On peut marcher dessus : nombre d’entrées d’immeubles parisiens ont le sol en mosaïque. La pluie, le soleil n’ont aucun pouvoir, l’usure mécanique n’a que peu d’effet. Leur point faible est dans le collage, non dans leur constitution.

Image: Entrée d’immeuble parisien

La mosaïque aujourd’hui.

Avant d’en discuter il faut distinguer deux méthodes : l’une s’adapte aux lignes générales du dessin, l’autre « force » le dessin dans une trame orthogonale rigoureuse. Un cercle dans la première méthode, sera composé d’éléments de formes diverses orientés de manière à former un cercle, Dans la deuxième les éléments, tous géométriquement identiques et généralement carrés, emprisonnés dans une trame régulière, à l’instar du canevas utilisé en tapisserie ou du papier quadrillé, formeront ce cercle d’autant plus approximatif qu’il est petit : un « cercle » de deux éléments de diamètre sera en fait un carré ; un cercle de 15 éléments commencera à ressembler… à un cercle. Ce n’est que la deuxième méthode qui nous intéresse dans cette exposition, celle des « pixels », les mêmes qu’utilise la photo numérique à une échelle infiniment plus petite.

© Fabio Rieti

La parenté avec le numérique est telle que l’on peut envisager « d’écrire » une mosaïque tramée sans qu’il y ait d’image. Trois indices de trois chiffres chacun suffisent : la rangée, la colonne et la couleur pour un panneau de mille rangées, mille colonnes et mille nuances de couleur ; je ne sais pas toutefois s’il existe un code-couleur universel : si non, il est à faire !

La mosaïque tramée, avec ses trois numéros par élément, peut être confiée à un cahier, réel ou virtuel et survivra aussi longtemps que son « écriture ».

Mais au-delà de cette pérennité (très lente usure mécanique plus mémoire numérique), la mosaïque tramée présente un certain « ordre » architectural, une prééminence certaine de la raison sur la main, qui peut séduire : les romantiques la trouveront froide et impersonnelle, les classiques, plus rationalistes, plus cartésiens, seront peut-être charmés par cette « mathématique » de l’image concentrée sur le message à transmettre et non sur la virtuosité, la calligraphie pourrait-on dire, de l’artiste : même privé de l’usage de ses mains il pourrait « dicter » une très belle mosaïque.


La mosaïque et moi.

J’ai commencé la mosaïque en 1967 dans l’usine de préfabrication de Bouygues pour le Grand Ensemble de la Grande Borne à Grigny dont l’architecte était Emile Aillaud.

Le revêtement en pâte de verre 2 cm x 2 cm, avait été imposé par l’Office Public d’HLM en raison de sa pérennité. J’avais fait un projet de coloration très complexe et je me rendais à l’usine constater si les couleurs livrées étaient conformes, Quand je compris que la préfabrication commençait par la pâte de verre étalée en fond de moule et que la disposer de manière à former une image ne serait pas plus coûteux que de se contenter d’une teinte unie, à condition que je compose moi-même le motif, je suis entré littéralement dans le moule et me suis mis à l’œuvre. J’ai aussi demandé à d’autres artistes amis s’ils voulaient bien contribuer, Street art avant la lettre : matériel fourni mais aucune compensation, ce n’était pas commandé, c’était tout juste toléré avec plus ou moins de bienveillance.

J’y fis surgir des arbres, de fruits, des animaux, Rimbaud, Kafka (les jeunes contestataires, nous étions alors en 68), sans que cela coûte un centime au maître d’ouvrage.

Après la Grande Borne, toujours toléré avec un sourire quelque peu narquois par le maître d’ouvrage mais encouragé par Aillaud, il y a eu Chanteloup avec ses six poètes : Baudelaire, Nerval, Mallarmé, Hugo, Rimbaud et Valery. A Villiers-sur-Marne quatre bâtiments scolaires entièrement revêtus de forêts. Cette œuvre-là (plus de mille mètres carrés) enfin payée par le 1% scolaire mais exécutée entièrement à la main, toujours avec les pieds à l’intérieur du moule.

J’ai eu plusieurs élèves : Jean-Louis Dupart, ma fille Léonor Rieti, puis Fabienne Julien. Le premier a pris ma relève à la Grande Borne avec un très beau portrait de Jean Moulin puis un grand panneau représentant des enfants de toute sorte : blancs, noirs, blonds, bruns, filles et garçons.

Léonor Rieti est l’auteure de mosaïques passage Rauch (75011) représentant des animaux.

Fabienne Julien est elle l’auteure de ravissantes mosaïques d’intérieur, cuisine, salle de bains, et expose actuellement avec moi.

© Fabienne Julien

Moi-même j’ai entrepris la « mosaïque de chambre » après la mosaïque publique. Mais, incapable de trouver dans le commerce des carreaux suffisamment petits ni une palette suffisamment complète, je me suis attelé à les confectionner justement en chambre, c’est-à-dire chez moi : mes mosaïques ici présentées sont donc intégralement « fait main », jusqu’au matériau qui les constitue.

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